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La tragédie du Darfour

La tragédie du Darfour

La tragédie du Darfour

Depuis le début de 2003, plus d’un million de personnes ont été jetées sur les routes par la violence qui embrase le Darfour, au Soudan occidental. Marquée par des violations graves du droit international humanitaire, notamment à l’encontre des civils, le conflit se xxx poursuit aujourd’hui. Quelque 200 000 habitants de la région ont trouvé refuge de l’autre côté de la frontière avec le Tchad, mais beaucoup plus errent toujours au Soudan à la recherche d’une relative sécurité. Le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a mis sur pied sa plus grosse opération du moment pour tenter de répondre aux besoins de ces gens. De ses efforts dépend la survie de la population locale et d’une multitude de réfugiés et de personnes déplacées.

Quelque 200 000 personnes déplacées provenant de proches villages sont hébergées au camp de Hasha-Issa à Zalingei.
©THIERRY GASSMANN / ICCR

‘‘LES livres ont toujours été ma passion et Coqnu”, déclare Karrar, un homme élancé d’une trentaine d’années. “Je tenais une petite librairie à Al-Fasher avant que la ville ne soit attaquée. Ensuite, la vie a basculé pour presque tous ses habitants.” Aujourd’hui, cet habitant du Darfour aide le CICR à faire face à la crise humanitaire aiguë qui affecte toute la région. Arborant un badge du Croissant-Rouge soudanais, il consacre ses journées à assister les résidents d’un camp de personnes déplacées près de son village natal.

À compter de la fin de 2003, des rapports alarmants en provenance du Darfour ont révélé une escalade dramatique de la violence entre les forces gouvernementales et les groupes d’opposition. L’impact de cette guerre sur les quelque six millions d’habitants des trois États du Darfour — septentrional, méridional et occidental — a été dévastateur.

À ce jour, il est impossible d’établir avec précision combien d’individus ont perdu la vie. Le nombre des personnes déplacées est lui aussi très difficile à apprécier, mais on peut raisonnablement l’estimer à plus d’un million. Leurs moyens d’existence ayant été réduits à néant, beaucoup de ces gens dépendront pendant longtemps de l’aide extérieure pour survivre. Ceux qui ont fui leur foyer comme ceux qui sont restés sur place sont confrontés à des conditions sanitaires d’une extrême précarité qui alourdissent de jour en jour le bilan en vies humaines.

La réponse locale à la crise a été admirable. À travers toute la province, des familles ont ouvert leur porte aux victimes, installant à leur intention des huttes et autres abris dans leur cour.Comme le résume sobrement Karrar: “C’est notre devoir d’ouvrir notre maison à ceux qui ont perdu la leur.”

Toutefois, le fardeau pour ces familles d’accueil est énorme, car il leur faut partager la nourriture et autres produits de première nécessité dont elles disposent entre un nombre deux à trois fois supérieur de personnes. Du fait de l’effondrement de l’économie régionale et de l’explosion consécutive du prix des denrées de base, la plupart n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Pourtant, les Darfuris continuent vaille que vaille de recevoir leurs concitoyens déplacés à une échelle qui défie la notion d’hospitalité telle qu’elle est envisagée parmi d’autres cultures.

Des besoins croissants

Quand la crise s’est étendue à tout le Darfour en 2003 et au début de 2004, les sections locales du Croissant-Rouge soudanais se sont rapidement mobilisées pour évacuer les blessés et ont tout fait pour répondre à l’urgence par leurs propres moyens. Cependant, les besoins augmentant de façon exponentielle, une aide internationale est rapidement apparue indispensable. En mars 2004, lors d’une réunion rassemblant le président de la République du Soudan et le président du CICR, il a été convenu d’autoriser à ce dernier l’accès à la région. Bientôt, des équipes de délégués et des convois de secours étaient en route pour lancer ce qui allait devenir la plus grosse opération de l’institution. À la fin août, le CICR a mis en place son plus important pont aérien depuis la guerre de l’Irak, tout en dépêchant sur place d’autres équipements et véhicules pour pouvoir atteindre les communautés les plus reculées du Darfour.

“Chaque crise humanitaire a ses spécificités, mais le Darfour est vraiment un cas à part”, estime Barakat Faris, directeur de la section du Croissant-Rouge soudanais dans le Darfour septentrional. “Nous avons fait la preuve qu’on peut répondre efficacement aux besoins si la Société nationale est associée à toutes les phases de la planification et de la mise en oeuvre des programmes d’assistance”, souligne-t-il.

De Nyala au sud à Al-Geneina à l’ouest, en passant par al-Fasher au nord et par maintes autres localités du pays, des délégués du CICR et des volontaires du Croissant-Rouge s’engagent ensemble dans de hasardeux voyages à travers de vastes étendues à la population très clairsemée. Ils roulent des jours et des jours sur des pistes exécrables, dormant à la dure sous les moustiquaires, travaillant sans relâche sept jours sur sept. Alors que des bandes armées rôdent un peu partout, terrorisant la population, les équipes de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge prennent d’énormes risques pour que les communautés isolées ne soient pas abandonnées à leur sort.

“Notre équipe de huit membres a passé une nuit dans la demeure de l’Omda, le plus respecté des cheiks de la région”, raconte Peter Scott, un Néo-Zélandais à la barbe en broussaille qui rentre à peine d’une mission de huit jours. Comme un peu partout ailleurs, il a pu constater à cette occasion que la sécurité constitue le souci prioritaire des villageois, qui rêvent de pouvoir cultiver leurs champs ou collecter du bois dans les forêts avoisinantes sans craindre en permanence d’être attaqués. Les rumeurs d’incursions dans les environs circulent vite et, en l’absence de couverture médiatique fiable de la situation, le bouche à oreille est bien souvent l’unique source d’information des communautés rurales.

Peter et ses collègues ont traversé maints villages disséminés le long du spankbang, certains désertés, d’autres, pourtant proches, pleins d’animation. Dans l’un d’eux, les habitants occupés aux champs leur ont réservé un accueil des plus chaleureux lorsqu’ils ont compris que cette poignée de Soudanais et d’étrangers sortis de nulle part étaient venus dans le seul but de les aider. Ces cultivateurs manquent généralement de tout, y compris de services de santé de base. “Pourtant, plutôt que de demander quoi que ce soit pour eux-mêmes, ils nous suggèrent le plus souvent d’aller voir si le village voisin n’aurait pas été attaqué et n’aurait pas besoin de nos services”, rapporte Victor Buhendea Mirindi, un délégué congolais qui sait par expérience ce que c’est que de vivre dans un pays en guerre.

Étant donné qu’il s’agissait de l’unique établissement médical d’une vaste région du Darfour occidental, le CICR a par ailleurs décidé de réhabiliter l’hôpital de Zalingi, d’une capacité de 100 lits. Les équipements et les matériaux de construction nécessaires, n’étant disponibles qu’à Nyala, ont dû être acheminés sur une longue distance et dans des conditions difficiles. Samir Elias, un ingénieur irakien, a dirigé le convoi de camions en restant en contact radio pendant tout le voyage, qui pouvait durer de quelques heures à deux jours selon l’état de la route et le niveau des wadis – l’équivalent local des oueds nord-africains.

L’opération en chiffres

Depuis le début de la crise, le CICR, secondé par le Croissant-Rouge soudanais, a mené à bien un large éventail d’activités, y compris:

• fourniture d’ustensiles de base à 380 000 personnes déplacées;
• fourniture de matériaux pour la construction d’abris à 80 000 personnes installées dans
des camps;
• distribution d’aide alimentaire à 260 000 personnes;
• réparation d’éléments d’infrastructure, fourniture de médicaments et d’équipements à
cinq hôpitaux et mise à disposition de personnel de santé dans deux d’entre eux;
• services de santé de base au bénéfice de 140 000 personnes;
• organisation de distributions quotidiennes de 2 100 000 litres d’eau au bénéfice de plus de 240 000 personnes dans une trentaine de sites;
• traitement de demandes de recherches concernant 1700 enfants non accompagnés.

Les Sociétés nationales des pays suivants sont actuellement présentes dans la région: Allemagne, Arabie saoudite, Australie, Canada, Danemark, Égypte, Émirats arabes unis, Espagne, Iran, Koweit, Norvège, Pays-Bas et Royaume-Uni. Elles se consacrent essentiellement à des activités de soutien médical, de distribution de secours et de gestion de camps.

Une semaine d’initiatives pour la qualité de vie au travail

Le réseau Anact organisait, du 9 au 13 mai, sa deuxième Semaine nationale pour la qualité de vie au travail. Un succès.

La deuxième édition de la “ Semaine nationale pour la qualité de vie au travail ”, organisée par le réseau Anact du 9 au 13 mai, aura été un succès. Pendant toute cette semaine, les rencontres reallifecam, débats, petits déjeuners ou ateliers organisés autour du thème de l’amélioration des conditions de travail se sont succédé. Au total, quelque 120 initiatives ont été répertoriées, partout en France, dans les 25 antennes régionales (les Aract). Objectif : sensibiliser les acteurs (employeurs et syndicalistes au premier chef) aux problématiques des conditions de travail et diffuser le plus largement possible les innovations et les “ bonnes pratiques ” mises en œuvre dans les entreprises. « Nous souhaitons que la question de la santé au travail ne soit plus seulement perçue comme un coût, mais devienne un élément du projet d’entreprise et», expliquait Henri Rouilleault, directeur de l’Anact, en ouverture de la semaine.
À cette occasion, les “ Trophées de la qualité de vie au travail ” ont été décernés, récompensant des pratiques innovantes, dans quatre catégories : Santé et sécurité, Compétence, Organisation et Gestion des âges. « Nous apprécions que cette initiative permette la sensibilisation du plus grand nombre aux questions des conditions de travail et la vulgarisation de notions généralement complexes, explique Dominique Olivier, secrétaire confédéral en charge du dossier et membre du conseil d’administration de l’Anact. Par ailleurs, ces rencontres, qui réunissent l’ensemble des partenaires – pouvoirs publics, employeurs, organisations syndicales, mais aussi les consultants amenés à accompagner les changements dans les entreprises – permettent également des échanges et les rapprochements de points de vue, toujours fructueux. »

300 millions d’euros pour les TMS. Car la question des conditions de travail est loin d’être accessoire. Elle figure même – selon un sondage exclusif Anact-“ Liaisons sociales magazine ” et France Info, réalisé en mars par l’institut CSA auprès de salariés du privé – au deuxième rang des critères les plus importants dans un emploi (51 %), juste derrière la rémunération (59 %). Les entreprises ne peuvent plus faire l’impasse sur ce sujet. Et il s’agit aussi, pour elles, de revoir leur approche non plus en termes de “ réparation ” mais de prévention. Rappelons que la Cnam observe une progression de 10,7 % des TMS (troubles musculo-squelettiques) en 2003 par rapport à 2002 (26 353 cas de TMS répertoriés en 2003). Sachant qu’en 2002, les TMS avaient déjà coûté 300 millions d’euros à l’Assurance-maladie

Un pôle économique majeur

Un équilibre à construire

Notre milieu naturel est une grande richesse, mais c’est surtout un équilibre à construire entre aménagement paysager et consolidation de l’activité économique locale.
De bonnes relations entre l’homme et sa forêt impliquent une gestion réfléchie et durable car l’homme doit respecter les conditions d’équilibre de la forêt en diversifiant les essences, en s’adaptant à la qualité des stations, en tenant compte des contraintes écologiques dans ses décisions d’aménagement.
Il faut aussi que l’homme reste attentif à l’évolution de la forêt pour empêcher qu’elle ne gagne les espaces délaissés.

Un équilibre porteur d’avenir

Les racines de notre culture puisent leur sève du Massif des Vosges, ses paysages sont notre cadre de vie, ses produits sont aujourd’hui notre richesse commune.
Demain, il peut encore en être ainsi. En effet, les techniques forestières permettent de conduire et porno paris, les peuplements dans les conditions offertes par l’environnement naturel. L’économie pour sa part procure à la forêt, par la richesse issue de la transformation du bois, les ressources nécessaires pour couvrir les coûts de sa gestion.

Le bois : matériau d’aujourd’hui et de demain

La consommation en produits bois est un indicateur du niveau de vie d’un pays : plus un pays est développé, plus sa consommation en produits bois augmente.
La France consomme ainsi 55 à 60 millions de m3 de bois par an. Malgré une ressource forestière globale de l’ordre de 60 millions de m3, elle n’en récolte encore que 45, se trouvant ainsi comme tous les grands pays développés, importatrice nette de bois.
La demande en produits bois, comme la récolte forestière, devraient continuer à croître au cours des 20 prochaines années.

L’utilisation du bois

Pour l’essentiel, on trouve 4 grandes catégories d’utilisation du matériau bois :
Le bâtiment. Ce secteur représente 50 % des débouchés des produits bois au travers notamment de la menuiserie – charpente – structure – agencement…
Le papier. 20 % des débouchés sont assurés par l’industrie papetière. Ce secteur croît régulièrement en créant près de 3 % d’emplois en plus tous les ans depuis 50 ans.
L’emballage. Ce marché essentiel, 20 % des débouchés, est fortement dépendant de l’activité agricole et industrielle de notre pays.
L’ameublement, décoration. Ce secteur, représentant les 10 % restants, recherche en majorité des bois de grande qualité.

En dehors de ces usages industriels, le bois est depuis toujours particulièrement apprécié comme combustible.

Le poids économique du bois

Le bois est un secteur important en matière d’emploi :
450 000 personnes salariées en France,
27 000 en Lorraine,
20 000 en Alsace,
11 500 en Franche-Comté.

Par conséquent, la sylviculture, la transformation et la vente de produits issus de la filière bois ont un impact immédiat et considérable sur l’économie locale en créant ou maintenant des milliers d’emplois directs ou induits.

Dans ce contexte, maîtres d’ouvrages, collectivités locales, administrations ont un rôle éminent à jouer.
En favorisant les activités liées à la transformation du bois et en consommant ce matériau dans toutes ses utilisations, ils participent activement au renforcement de la vitalité économique de la forêt, des collectivités et des entreprises et par la même à un développement harmonieux du territoire interrégional.
Soutenir la filière bois, c’est lutter efficacement contre la désertification rurale.

Union Syndicale des Bois Des Landes

Créée dans les années 1930, l’Union syndicale des bois des Landes est issue du regroupement d’exploitants forestiers et de scieurs pour défendre leur corporation. Elle permettait à l’époque de constituer une assurance privée en cas de maladie.

Après la guerre, les obligations administratives se mettent en place plus strictes et plus complexes. C’est alors que l’Union Syndicale remplit

son plein rôle d’interface entre les pouvoirs publics et la réglementation d’un côté, et les scieurs et leur activité de l’autre.

Fixation des salaires des ouvriers avec les syndicats du personnel, application des lois sur le travail, discussion avec l’Etat sur l’augmentation des prix, autant d’actions à mener pour la défense de la corporation des scieurs.

Aujourd’hui, forte de 50 entreprises adhérentes, qui représentent près de 90% de la profession sur le département des Landes, l’Union Syndicale du Bois des Landes occupe toujours un rôle de premier plan dans les relations avec les pourvoirs publics.

Ses actions consistent à proposer et à élaborer des mesures face à des situations conjoncturelles de crise, mais également à aider les entreprises adhérentes dans leurs démarches administratives, juridiques et fiscales. Elle entretient des relations étroites avec les organismes clés de l’économie locale et régionale : tribunal de commerce, Chambre de Commerce et d’Industrie, Chambre d’Agriculture, Préfecture…

A l’échelle nationale, elle est membre de la Fédération Nationale du Bois, organisme fédérateur de l’ensemble des unions départementales et régionales. A ce titre, l’Union Syndicale du Bois des Landes en est le plus important membre en terme d’adhérents et de représentativité de la filière bois, ce qui s’explique par la part prépondérante de ce secteur dans l’économie aquitaine.

De l’autre côte de la frontière

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De l’autre côte de la frontière

Le docteur Florence Kortuem examine un patient au dispensaire de la Croix-Rouge allemande.
©FREDRIK KARKENHAMMAR / CROIX-ROUGE ALLEMANDE

Assistance pour les déplacés

Près d’un million de personnes ont dû abandonner leurs foyers et sont aujourd’hui installées dans des camps provisoires disséminés à travers le pays. Le camp d’Abu Shok a été établi près d’Al-Fasher à l’issue de discussions entre les autorités locales et les représentants du, qui ont insisté sur la nécessité de choisir un emplacement à la fois sûr et à l’abri des inondations pendant la saison des pluies. Makbuleh Ali Mohammed, une frêle jeune femme de dix-huit ans, a offert ses services dès le premier jour. Durant des semaines, sous un soleil de plomb, elle a aidé les spécialistes de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement à localiser les endroits appropriés pour l’installation des latrines, des réservoirs d’eau et des lavoirs, pour un camp qui devait s’étendre sur près de 400 hectares de dunes. Depuis deux ans déjà, elle travaillait comme volontaire à la section Croissant-Rouge de son village natal, mais sa famille avait dû s’enfuir à la suite d’une attaque et chercher refuge à Al-Fasher. Ayant entendu parler du projet de camp, elle s’était donc spontanément présentée à la branche locale du Croissant-Rouge soudanais pour proposer son aide.

Quelques mois plus tard, le camp d’Abu Shok peut afficher un remarquable palmarès d’accomplissements réalisés avec le concours de diverses agences humanitaires et organisations non gouvernementales tant locales qu’internationales. On a mis en place des services de base pour les résidents, foré des puits, installé des latrines, organisé des distributions de nourriture et créé des classes pour les enfants. Néanmoins, le manque de perspectives d’avenir pèse lourdement sur les esprits, note Ghali Hassan Nurell, un jeune volontaire du Croissant-Rouge. Lui-même déplacé, il s’occupe en ce moment de 500 familles qui viennent d’arriver. Chacune monte un assemblage de piquets qui supportera la bâche goudronnée que leur fournit Ghali.

Au camp de Kalma, aménagé à la périphérie de Nyala, la capitale du sud, la géographie et le climat sont tout différents. C’est la saison des pluies et les baobabs sont en pleine floraison. La terre présente une chaude teinte ocrée, mais elle n’absorbe pas l’eau qui, après chaque orage, forme de vastes flaques sur tout le site. On a installé des latrines sèches et des bassins pour la lessive, mais de gros efforts sont nécessaires pour assurer un degré d’hygiène suffisant pour éviter la propagation d’épidémies parmi les dizaines de milliers de personnes massées dans un espace restreint.

“Maintenant, je connais bien certains des enfants qui fréquentent le secteur de notre dispensaire de santé”, raconte Beatriz Lopez, une déléguée de la Croix-Rouge espagnole qui travaille à l’administration du camp. “Il y en a un qui ne dit jamais rien. Il se contente de me fixer avec des yeux immenses en tenant ma main. Même quand d’autres veulent me serrer la main, il ne la lâche pas. Je n’arrive pas à le regarder longtemps, ça me met mal à l’aise, je suis envahie par des sentiments de panique et de honte.”

Près d’un million de personnes ont dû abandonner leur foyer et sont aujourd’hui installées dans des camps provisoires disséminés à travers le pays.

Une crise socio-économique

Dieter Schnabel vient d’arriver à la délégation du CICR à Nyala. Il doit s’embarquer sur un vol à destination de l’État de Bahr al Ghazzal, à la frontière méridionale du Darfour. En plus d’une année de travail dans le cadre d’un projet de développement de la Croix-Rouge allemande, il a amplement l’occasion de mesurer l’impact dévastateur du conflit sur l’économie régionale.

Des tribus nomades comptant des dizaines de milliers de têtes de bétail sont bloquées dans le sud à cause de la violence, alors qu’elles devraient migrer vers le nord pour assurer la survie de leurs troupeaux. Il en résulte une raréfaction du fourrage et une augmentation du prix des denrées alimentaires qui minent dangereusement l’équilibre socio-économique de la région. Les combats et les pillages ont aussi bouleversé les antiques traditions d’échanges entre les éleveurs nomades et les cultivateurs locaux. En raison de l’insécurité, les gens n’osent plus se rendre sur les marchés pour écouler leurs produits. Tout le monde pâtit cruellement de ce climat délétère.

Abd el Karim Idriss Hassan, directeur du Croissant-Rouge pour le Darfour méridional, se fait l’écho de son homologue du Darfour septentrional, Barakat Faris, en confirmant que cette crise a au moins le mérite d’encourager les délégués du CICR et les volontaires du Croissant-Rouge soudanais à dialoguer et à unir leurs efforts. Il conclut par cette question qui mérite qu’on s’y arrête: “Comment nous voyez-vous, nous les Darfuris?”.

Roland Huguenin-Benjamin
L’auteur a effectué une mission au Darfour en août en qualité de chargé de presse du CICR.

De l’autre côte de la frontière

La Fédération internationale administre un camp au Tchad pour 15 000 réfugiés du Darfour.

Des réfugiés s’apprêtent à embarquer sur un camion de la Croix-Rouge à destination de Tréguine, où ils bénéficieront d’une aide humanitaire convenable.
©GAUTHIER LEFEVRE / FÉDÉRATION INTERNATIONALE

‘‘ENFIN nous avons un endroit où nous reposer”, soupire Mafadhal Ali Mohammed, alors qu’un volontaire de la Croix- Rouge du Tchad indique à sa famille les tentes qui vont, pour un temps, leur tenir lieu de foyer. Après plusieurs mois d’errance à travers les frontières dans un désert inhospitalier, ils sont arrivés au nouveau camp ouvert par la Croix- Rouge à Tréguine, dans l’est du Tchad.

“Nous sommes épuisés”, poursuit-il. “Quand notre village a été attaqué, nous nous sommes enfuis à pied avec quelques animaux. Il nous a fallu plusieurs semaines pour parvenir au Tchad. Toutes nos bêtes sont mortes en route et nous avons bien cru connaître le même sort.”

Mafadhal, ses deux épouses et leurs cinq enfants ont survécu pendant quelque temps dans les parages de la ville frontalière d’Adré, grâce à la générosité de la population locale et à divers petits travaux. Quand la nourriture a commencé à manquer, la famille a rassemblé à nouveau ses maigres biens et marché durant trois jours pour atteindre le camp du Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) le plus proche – celui de Breijing.

“Dès que nous avons été en vue du camp, nous nous sommes posés et n’avons plus bougé”, raconte Mafadhal. “Au début, nous étions seuls, mais, bientôt, d’autres familles sont venues s’installer près de nous. Nous avons monté un vague abri sur un escarpement rocheux et avons attendu.” Hélas, leur espoir de bénéficier d’une aide humanitaire adéquate a été déçu une fois encore. Prévu initialement pour accueillir 20 000 résidents, le camp en comptait déjà plus de 45 000 dans un dénuement total et des dizaines d’autres affluaient jour après jour. Il n’y avait pas assez de nourriture, d’eau ni d’installations pour tout le monde.

Comme des milliers d’autres réfugiés surnuméraires, Mafadhal et les siens ont lutté pour leur survie aux abords du camp, se contentant des maigres reliquats de l’aide extérieure et des présents de voisins mieux lotis.

La pire crise de réfugiés du continent

Plus d’un million d’habitants de la province soudanaise du Darfour ont été chassés de leurs foyers par le conflit. Environ 200 000 sont parvenus à se mettre en sécurité au Tchad. Tous portent encore les stigmates physiques et psychologiques de leurs épreuves.

“Des avions ont bombardé notre village et l’ont réduit en cendres”, raconte Mafadhal. À l’évocation des circonstances qui ont causé leur exil, les enfants font subitement silence. “Nous avons couru vers les collines et sommes restés terrés jusqu’à la fin du raid. Quand nous sommes redescendus pour voir ce qui subsistait de notre foyer, des milices nous ont attaqués à leur tour, tuant plusieurs villageois.”

Aujourd’hui, dans les camps, les enfants s’enfuient encore au bruit des avions et à la vue des appareils photo des journalistes, qu’ils prennent pour des armes. Le déplacement d’une population si nombreuse a entraîné une crise humanitaire aiguë. Les réfugiés qui sont parvenus à gagner le Tchad se sont retrouvés dans une région aux ressources très limitées, où le manque d’eau et de nourriture a rapidement provoqué une véritable explosion des cas de malnutrition, de diarrhée et autres maladies. Les équipes médicales présentes sur le terrain surveillent de très près la situation sanitaire. Elles sont particulièrement attentives à l’éventuelle apparition de cas de choléra, car une flambée de cette maladie pourrait avoir des conséquences dramatiques. Dans le nouveau camp de la Croix-Rouge, il sera plus facile de répondre aux besoins les plus pressants des réfugiés et de contrôler les conditions de santé.

Le Mouvement se serre les coudes

“L’installation de ce camp n’a pas été une sinécure”, rapporte Langdon Greenhalgh, qui administre le site pour le compte de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. “Quand je suis arrivé ici, la saison des pluies battait son plein et le moindre déplacement était un véritable cauchemar.”

Avant de parvenir à destination, Langdon est resté bloqué plusieurs jours par un wadi gonflé par les pluies diluviennes qui inondent la région pratiquement chaque jour entre juin et septembre. Inutile de dire que, dans de telles conditions, l’acheminement des tonnes d’équipements, fournitures et autres matériaux requis pour l’aménagement du camp a relevé de l’exploit. “Sans la mobilisation du Mouvement tout entier, le camp n’aurait jamais vu le jour”, confesse le directeur.

La Croix-Rouge du Tchad, qui était sur le terrain depuis le début de la crise, a sensiblement renforcé les ressources humaines et matérielles affectées à l’opération. Pour la soutenir, la Fédération internationale a déployé des délégués spécialisés ainsi que des équipements tels que tentes, fournitures médicales et ustensiles de cuisine.

Les Sociétés nationales danoise, française, britannique, allemande, finlandaise, autrichienne et suédoise ont contribué à l’effort en détachant des unités d’intervention d’urgence (ERU). Les vingt-trois camions à six roues motrices donnés par la Croix-Rouge de Norvège, affectés six mois durant au transfert de réfugiés dans d’autres camps, ont servi à convoyer hommes et matériel jusqu’à Tréguine. Actuellement, ils font la navette, sans discontinuer, entre le site de Breijing et le nouveau camp distant de 3 kilomètres, transportant les réfugiés et leurs effets personnels.

Pour sa part, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a mis sur pied un service de recherches pour réunir les familles séparées par le conflit, et il s’emploie activement à promouvoir les principes du droit international humanitaire parmi un large éventail de fonctionnaires, de réfugiés et d’employés humanitaires.

Quelles perspectives d’avenir?

Alors qu’ils retrouvent peu à peu des conditions d’existence convenables, les réfugiés soudanais au Tchad sont libres de laisser leurs pensées se tourner à nouveau vers leurs foyers et leurs villages au Darfour.

“Reverrai-je jamais ma terre?”, s’interroge Mafadhal. “La nuit, je n’arrive pas à trouver le sommeil à cause de mes amis perdus, de ma maison détruite, de mes biens volés. Ici, à Tréguine, la Croix-Rouge nous donne à manger, de l’eau, une tente pour nous abriter. Mais pourrons-nous vraiment vivre pleinement loin de chez nous?”

Liberté, destin, strategies

Le terme de stratégie jette un pont entre la liberté individuelle et les contraintes de groupe. Il équilibre deux points de vue extrêmes, celui de l’homme économique, parfaitement rationnel, capable d’optimiser à chaque instant son utilité et celui du déterminisme absolu où le sujet devient une marionnette aux mains de forces productives sociales ou cosmiques.

Le dernier livre de Norbert ELIAS, consacré à MOZART, illustre bien le second point de vue : comme le père du musicien dépense toute son énergie pour le jeune prodige, ELIAS note : “on ne peut guère reprocher à Léopold MOZART d’avoir tout misé sur une seule carte, qui à examiner les choses de plus près, ne lui offrait guère de chances: il n’en avait pas d’autres à jouer.” Bloqué dans son ascension sociale, conscient de sa valeur, mais aussi de ses limites, à la limite de la gène pornos financière, isolé à Salzbourg sous la coupe de petits princes-évèques arrogants, mesquins et paternalistes, Léopold n’avait pas d’autre choix que de parier sur son fils. La démonstration d’ELIAS aboutit à une stratégie “fatale”, c’est-à-dire inévitable, qui ne mérite le terme de stratégie que pour l’illusion qu’elle procure à Léopold ou à tout observateur superficiel.

Le philosophe Clément ROSSET donne plusieurs exemples de fatalités analogues où il décèle le choc de la réalité dans sa placidité, dans son “idiotie” écrit-il. Entre autres, cette fable d’Esope qu’il cite in extenso :

“Un vieillard craintif avait un fils unique plein de courage et passionné pour la chasse: il le vit en songe périr sous la griffe d’un lion. Craignant que le songe ne fut véritable et ne se réalisât, il fit aménager un appartement élevé et magnifique et il y garda son fils. Il avait fait peindre, pour le distraire, des animaux de toute sorte parmi lesquels figurait aussi un lion. Mais la vue de toutes ces peintures ne faisait qu’augmenter l’ennui du jeune homme. Un jour, s’approchant du lion : “mauvaise bête, s’écria-t-il, c’est à cause de toi et du songe menteur que mon père m’a enfermé dans cette prison pour femmes. Que pourrais-je bien te faire ?” A ces mots, il asséna sa main sur le mur pour crever l’oeil du lion. Mais une pointe s’enfonça sous son ongle et lui causa une douleur aiguè et une inflammation et aboutit à une tumeur. La fièvre s’étant allumée là-dessus le fit bientôt passer de vie à trépas. Le lion, pour n’être qu’un lion de peinture, n’en tua pas moins le jeune homme, à qui l’artifice de son père ne servit de rien.”

La stratégie est toute aussi fatale au chasseur qu’au père de MOZART. Elle ne découle pas d’un geste sans rapport avec le destin, mais au contraire d’un geste qui précipite le destin en lui donnant son sens. Si le jeune homme plein de fougue avait négligé le songe de son père, il aurait peut-être été dévoré par un lion au cours d’une chasse. On se serait souvenu du songe prémonitoire somme toute très banal. On aurait parlé d’accident, ce qui signifie l’inverse du destin. Un léger geste de côté, un caillou sous le sabot d’un cheval, le jeune homme roule à terre, le lion bondit et lui rompt l’échine. Imprévu médiocre en comparaison de la soigneuse préparation que décrit la fable. Le jeune chasseur est longuement enfermé dans un appartement spécialement aménagé. Sur les murs, on a méticuleusement peint un lion. Il le nargue et il meurt, non pas d’un coup de patte nonchalant, mais lentement empoisonné. Loin de négliger les individus, le déterminisme les place précisément en situation. Metteur en scène tatillon, il ne laisse ni hasard, ni liberté à ses acteurs, même quand il leur donne l’illusion de jouer la scène qu’il a écrite, pour mieux s’emparer d’eux et de leur mise à l’issue de la partie. Le destin, unique échappatoire chez Norbert ELIAS où l’individu Léopold fournit prétexte à montrer les rouages de la société, devient l’unique réalité dans la fable d’Esope, où il donne un sens à ce qui n’aurait pu être qu’accident. Jusqu’au songe, le jeune homme chassait les lions, ensuite, il les provoque….

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La vie privée elle-même participe à ce principe. Que signifie “privé”, sinon échapper aux regards publics. L’individu commence à exister comme volonté à partir du moment où il échappe aux yeux des autres pendant le court instant où il peut choisir son déguisement. Comment par exemple expliquer la désaffection que connaît actuellement le mariage, sinon par le désir des individus de dissimuler leurs intentions réelles en ce qui concerne la constitution d’un groupe familial ? La première des stratégies familiales consiste donc à échapper à une détermination par l’extérieur, à une catégorisation, et ainsi à en éviter les effets toujours menaçants. De ce point de vue, l’indétermination même du terme de famille rend de grands services. dans le langage courant, on ne sait jamais sans le contexte si la personne parle de son ménage, de sa cellule d’origine, de son noyau familial, de sa parentèle, voire de l’ensemble de ses apparentés.

Une telle conduite n’est pas favorable à l’équilibre général des économistes, ou à celui de la théorie des jeux. Elle entraîne ce que certains qualifient d’effets pervers, ou plus généralement tous les phénomènes attachés à la rationalité telle que A. ORLEANS l’étudie actuellement : si certaines informations boursières sont remplacées par des rumeurs, ou si l’on ajuste son comportement autant sur celui d’un proche que sur des analyses objectives, les cours de bourse peuvent flamber ou s’effondrer sans relation avec la valeur des firmes concernées. Il est de bon ton de déplorer l’absence de transparence, source de ces désajustements, sans supposer que ce déficit puisse être volontaire. Les entreprises, pourtant, multiplient comme les individus le secret de leur situation et de leurs projets, si bien que tout appel à une meilleure information pour corriger l’évolution ne rencontre aucun écho.

Le développement du secret permet en effet à chacun, particulier, famille, entreprise, ou Etat, d’élargir la sphère de son action possible en rendant plus vagues, donc plus inefficaces les réponses des autres à une éventuelle initiative. Loin d’être un défaut du système d’information, cette stratégie de la dissimulation crée l’espace où se développeront ensuite ce que l’on appelle souvent, justement, des stratégies. Sans un tel lieu, toute action sera devinée à l’avance et contrée à peine commencée. La société, comme celle du Panopticon de J. BENTHAM, ressemblera à un gigantesque pénitencier.

L’existence de cet espace a une autre signification : il constitue un entre-deux entre l’individu ou le groupe et ceux qui en sont extérieurs, une médiation entre l’individu et le global. Le magicien qui pratiquait la divination réalisait de cette manière la soudure entre le microcosme et le macrocosme, leur feed-back, serait-on tenté d’écrire en termes actuels. Le théoricien des jeux, une fois qu’il a établi sa matrice, peut faire jouer à deux volontés individuelles un rôle sur le système global aussi fort que le déclenchement d’une guerre atomique. Dans les deux cas, l’individu accède à une action sur l’univers, dans la mesure où il s’est constitué un espace qui échappe à la prise des autres.

On peut alors se demander ce que peuvent signifier des termes comme “stratégie migratoire” ou “stratégie familiale”, voire “stratégie résidentielle”. Ils sont employés pour décrire les enchaînements des actions individuelles dans des domaines particuliers, sous la forme de choix parmi un ensemble connu d’actions possibles et de contraintes. C’est une réification utile pour éclairer la diversité des conduites, mais elle laisse dans l’ombre le fait qu’en agissant, les hommes ne s’opposent pas à des choses, mais à d’autres hommes ; ne s’appuient pas sur des ressources, mais cherchent des aides et des alliés.

Prenons par exemple le fait souvent observé que les jeunes couples vivent à proximité de l’une au moins des deux familles d’origine. Certains sociologues ont expliqué cette décision pour des raisons fonctionnelles : la proximité faciliterait un échange de services entre les jeunes et leurs parents. En échange de présence et d’affection, les parents aideraient matériellement leurs enfants en train de s’établir. Il est curieux de constater que ceux qui n’ont jusqu’alors vu dans l’enfant qu’un coût pour les parents lui trouvent un avantage lorsqu’il est parti. Cette contradiction entre natalisme et familialisme n’a d’ailleurs pas grande importance, car les enquêtes ne mettent pas en évidence des flux nettement plus élevés lorsque les deux groupes résident à proximité. En revanche, si l’on interprète la localisation des jeunes couples en termes de construction d’un espace d’action autonome, on comprend mieux la situation. Pour les jeunes couples, les parents constituent des sources d’information et d’alliance autant que des ressources mobilisables au jour le jour. Ils élargissent donc les possibilités d’action du jeune couple. Ne voir dans le dispositif que quelques échanges immédiats, c’est adhérer à la théorie de la nécessité où chaque l’individu lutte pour sa survie. C’est au fond nier que les jeunes couples aient une stratégie ; pris à la gorge, ils n’ont d’autre choix que de rechercher l’aide de leurs parents. Il est préférable de voir dans la recherche d’un voisinage, un des moyens d’ouvrir le jeu, donc les éventuelles actions et tactiques que le jeune couple décidera. La première et peut-être la seule véritable stratégie consiste à élargir la possibilité de ces stratégies “familiales” ou autres qui ne sont plus que tactiques, voire mécaniques, dans leur déroulement ultérieur. Comme souvent dans le langage, on a confondu sous le vocable de stratégie, la nature des opérations et leur résultat. De même que la démographie désigne à la fois l’état d’une population et l’étude de ces états, la stratégie recouvre aujourd’hui la description des modalités d’action en même temps que les conditions de leur possibilité. De même qu’il n’y a pas de démographie possible de tel ou tel pays, sans qu’une Démographie en définisse les règles, il n’y a pas de stratégies particulières sans référence à la stratégie tout court.